- Durée : 91 minutes
- Réalisateur : Wes Craven
- Acteurs : Johnny Depp, Ronee Blackey, Heather Langenkamp, Robert Englund, John Saxon
- Date de sortie : 6 mars 1985
- Dispo : CanalVOD
Résumé
Nancy est une adolescente troublée par des cauchemars où elle est poursuivie par un croque-mitaine. Elle en fait part à ses copains qui rêvent tous la même chose. Bientôt, une de ses meilleures amies se fait mystérieusement tuer durant son sommeil. Il semble que les cauchemars puissent réellement tuer.

Radiographie de l’Amérique à travers l’horreur
Il est communément admis désormais que les films d’horreur proposent souvent un sous-texte politique, voire, a minima, une radiographie des névroses américaines.
Par-delà ses qualités intrinsèques en tant que slasher, Les Griffes de la nuit s’inscrit complètement dans cette lignée, celle de La Nuit des morts vivants, Massacre à la tronçonneuse, ou encore, évidemment, Halloween.
C’est avec ce dernier que le film a le plus de correspondances. Même banlieue aseptisée, même bande d’ados superficiels, même tueur qui rode, incarnation d’une mauvaise conscience enfouie au plus profond des âmes. Mais si le propos est similaire, la forme est bien différente.
Alors que Carpenter privilégie une mise en scène stylée, à coup de CinemaScope et de travellings en plans larges, Craven propose un dispositif nettement plus frontal et surtout plus explicite dans sa représentation de l’horreur.
Là où Halloween offre une vision métaphysique, avec ce tueur insaisissable au masque blanc, Les Griffes de la nuit fait le choix d’une horreur organique et abjecte.
Freddy Krueger : Symbole des pulsions violentes cachées de l’Amérique
À cet égard, le personnage de Freddy est particulièrement réussi, avec son costume de paysan et son chapeau à la limite du ridicule qui cachent un corps en décomposition, dont sourdent toutes sortes de matières répugnantes. Et bien sûr, ces griffes rouillées émergeant d’un gant rapiécé, qui sont là pour taillader les chairs tendres de ces pauvres adolescents.
Fantôme d’un tueur d’enfant exécuté froidement par des parents en dehors de toute justice, Freddy symbolise les pulsions meurtrières d’une Amérique qui n’hésite jamais à employer la violence en toutes circonstances. Et en revenant hanter les rêves de leur progéniture, il s’insère directement dans l’inconscient pour mieux réveiller la culpabilité.
Il démontre ainsi que, derrière l’apparence rassurante de cet univers (symbolisé par le pavillon et son jardinet), s’en cache un autre, souterrain et inquiétant. Le repaire de Krueger, noir, suintant et étouffant, est en quelque sorte la salle des machines qui fait tourner la vie de ces familles en surface.
Et le résultat n’est guère brillant : alcoolisme, désœuvrement, bêtise : aucun des personnages adultes n’échappe à ce portrait au vitriol de de la classe moyenne américaine. Et les ados ne sont pas épargnés, dignes descendants de leurs crétins de parents, hormis l’héroïne qui, par son courage et sa débrouillardise, arrivera à dompter Freddy (en lieu et place de son flic de père).
La magie de Wes Craven : un mélange de réalisme et de cauchemar
Le rythme du film épouse parfaitement cette implacable démonstration, en alternant des scènes de la vie courante filmées platement et aux dialogues monotones, avec celles des rêves bouillonnant de frénésie visuelle.
Wes Craven s’en donne à cœur joie et fait preuve d’une inventivité incroyable dans la réalisation, avec quelques scènes percutantes, qui restent longtemps à l’esprit : la main griffée émergeant de l’eau entre les jambes de l’héroïne, le meurtre sanglant au plafond, l’aspiration du corps dans le lit…
Avant une séquence finale d’anthologie, lors de laquelle la mise en scène emporte le spectateur dans un maelstrom d’images et de sons, qui s’emploie à brouiller les frontières entre le rêve et la réalité.
On passera sous silence la pirouette finale destinée à préparer la série à venir. Huit longs métrages suivront ce premier opus, tous de qualité médiocre, sauf le troisième réalisé par Chuck Russel et surtout le septième, avec le retour de Wes Craven à la réalisation.
Mais dans la longue histoire des films d’horreur ayant marqué leur époque, tant par leur style que par leur discours percutant, Les Griffes de la nuit est un jalon important.





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