Critique « Ready Player One »

6–10 minutes

Article écrit par :

Date : 2018

Durée : 2h10

Réalisateur : Steven Spielberg

Acteurs principaux :       

Dispo : Netflix / Canal+ / Prime

« Forget the bike. »

Avec des films comme « Rencontre du troisième Type », « E.T », « Minority Report » ou encore « A.I Artificial Intelligent », Spielberg s’est rapidement imposé comme un des maîtres absolus de la science-fiction. Il a réussi, au fil de sa filmographie à marquer au fer rouge toute une génération de spectateurs. Il a cependant mis de côté le genre SF pour se consacrer à des projets plus intimistes comme l’excellent « Pont des Espions » et le récent « Pentagon Papers ». Il a également fait un tour du côté de la Performance Capture avec « Les Aventures de Tintin », qui, en plus d’être un excellent film d’aventure injustement boudé au box-office lui donnait l’occasion de nous montrer qu’il était tout aussi à l’aise avec cette manière de filmer. Le voilà de retour avec l’adaptation du roman d’Ernest Cline Player One(2011).

Voir Spielberg mettre en scène une histoire qui repose en grande partie sur tout un univers qu’il a lui-même mit en place avait de quoi intriguer. Et si au vu des nombreuses bandes-annonce certains craignaient qu’il se contente de faire de l’auto-citation et se perdre dans son oeuvre, rassurez-vous, il n’en est rien. « The Boss », comme l’appelle à juste titre Tom Hanks, nous livre ici un de ses films les plus personnels et les plus aboutis de sa carrière. En effet, autant le dire tout de suite, « Ready Player One » est un très grand film, qui va prendre une place importante dans la filmographie du réalisateur. On peut facilement le considérer comme une synthèse de tout ce qu’il a pu entreprendre et créer au fil des années. C’est un film généreux, complet, attachant et puissant.

Bien que les différences avec le livre soient nombreuses, Spielberg à réussis à condenser un univers extrêmement riche et livre ici un de ses projets les plus aboutis. Jouer avec toutes les références d’une culture pop et geek présentes dans le roman est un exercice sur lequel beaucoup de réalisateurs auraient put se casser les dents. À l’heure où les studios entendent capitaliser sur cette attachement au passé dans le but de vendre leurs produits, en témoigne le succès de « Stranger Things », Spielberg use intelligemment de cette nostalgie qui nous habite pour venir jouer avec notre sensibilité et notre attachement au passé alors que nous devons nous tourner vers le futur. Utiliser toutes ces références lui permet de se remettre en question face à son héritage. Que restera-t-il de son oeuvre d’ici quelques années ? Seront-elles reléguées à la simple citation, ou seront-elles intemporelles ? 

C’est pourquoi le voir s’en servir est un vrai régal, tant il arrive à ne jamais tomber dans la facilité et la citation gratuite afin de plaire au plus grand nombre. Tout ce qu’il utilise à un intérêt, qu’il soit narratif ou visuel. En témoigne une scène cruciale qui intervient au milieu du récit, durant laquelle les héros se retrouvent plongés dans un film très connu, ne faisant pas partie de la filmographie de Spielberg. Cette scène lui permet de prouver son amour profond pour le cinéma, tout en ayant un intérêt narratif au service du récit. Tour à tour impressionnante, effrayante et parfois drôle, c’est une leçon de cinéma.

Et c’est le cas pour toutes les références, il se les approprie pour mieux s’en servir. Il joue avec plus de trente ans de culture cinématographique et vidéoludique sans que cela soit poussif ou indigeste. 

Comme beaucoup de ses films, Ready Player One met en scène un garçon solitaire, au père absent. Il est facile de voir en Wade (interprété par Tye Sheridan) un miroir de Spielberg au même âge. Il a, lui aussi, connu le départ d’un père et s’est réfugié dans le cinéma et les jeux vidéo, on peut même l’apercevoir en train de joueur sur une borne d’arcade pendant le tournage d’Indiana Jones. C’est pourquoi le laisser prendre les commandes d’une telle adaptation, c’était l’assurance de voir arriver un film réussi. Ce qu’il est à bien des niveaux.

Le film va alors nous raconter cette course contre la montre qui repose sur l’accomplissement de trois épreuves, qui donneront au vainqueur le contrôle de l’OASIS ainsi que la fortune de son créateur. S’Il fallait trouver des défauts à cette adaptation, on peut lui reprocher un début un poil expéditif tant l’univers à nous raconter est vaste. Là ou le livre prenait son temps pour nous présenter une Terre à la dérive, vidée de toutes ses ressources, le film précipite un peu l’ensemble. Bien que la séquence d’ouverture soit d’un dynamisme rare, on peut ressentir une très légère baisse de rythme dans la seconde demie-heure du récit. Elle permet néanmoins de nous présenter en profondeur les personnages, mais force est de constater qu’après le choc que procurent les premières minutes, il est difficile de maintenir l’allure. Mais c’est bien là les seuls reproches que l’on peut lui faire.

Car si l’histoire du roman, et a fortiori du film est assez classique. Elle repose sur un schéma narratif qui a fait le sel des films d’aventures et de science-fiction des années 80, la façon dont Spielberg nous la raconte fonctionne à merveille. Essentiellement grâce à une mise en scène impeccable, des personnages attachants et bien écrits, sublimés par son utilisation de la Performance Capture qui donne vie à cet univers virtuel. 

Le film avance donc au rythme des épreuves entre lesquelles les personnages vont se construire, se connaitre et évoluer. L’interprétation de Tye Sheridan est à mettre en avant, tout comme celle d’Olivia Cooke (Art3mis) qui sont à eux deux le moteur de l’histoire, ayant chacun au départ une motivation différente et dont l’alchimie fonctionne parfaitement à l’écran. Ben Mendelsohn nous livre un méchant peut-être un peu trop ressemblant à ce qu’il a fait dans « Rogue One » bien qu’il s’intègre très bien à l’histoire. Mark Rylance (nouvelle coqueluche de Spielberg avec qui il a fait « Le Pont des Espions » et « Le Bon Gros Géant ») est encore une fois impérial dans son interprétation du créateur geek/autiste de l’OASIS et dont l’histoire n’est pas si différente de celle de Wade. Ce qui permet au réalisateur de se projeter à travers ces deux personnages. À la fois dans celui de cet adolescent plongé dans un mal-être et dans celui dont les créations ont changé le cours de l’Histoire. L’un représentant le passé, l’autre l’avenir. Deux notions qu’il va opposer tout au long du film. 

Le duo Rylance/Pegg est très touchant, leur relation peut-être aussi perçue comme celle de Spielberg avec ses différents partenaires avec lesquels il a crée et mis en place cette culture. Rappelons qu’il a étudié avec Scorsese, Coppola et Lucas, rien que ça ! C’est pour cela que ces multiples références font sens et qu’il sait exactement quand et comment les utiliser. 

Si l’idée de voir Spielberg revenir au film d’aventure et de science-fiction est excitante, elle l’est d’autant plus que cela lui permet d’utiliser une nouvelle fois la Performance Capture. Elle lui avait permis de donner au personnage de Tintin une tout autre dimension, tout en explorant une nouvelle façon de raconter des histoires. Il s’en sert ici pour donner vie à cette réalité virtuelle, à l’intérieur de laquelle tout le monde vit dans le passé face à un futur incertain. En plus de servir parfaitement son récit, elle lui donne l’occasion de nous livrer des séquences tout simplement ahurissantes de dynamisme et de clarté. Le spectateur n’est jamais perdu dans l’espace, tout est parfaitement lisible et chorégraphié. 

Pour cela, il est accompagné par ses plus proches et anciens collaborateurs. La photographie de Janusz Kaminski est comme toujours sublime et le travail de montage effectué par Michael Kahn est remarquable. On notera tout de même l’absence de John Williams à la composition (il a orchestré celle de « The Post »), ici remplacé par un Alan Silvestri très inspiré et qui s’en donne à coeur joie en revisitant ses propres thèmes, celui de « Retour Vers le Futur » en tête. 

Une des phrases prononcées par le héros nous pose une des plus grandes thématiques du film à savoir la question de l’identité. « Les gens viennent dans l’OASIS pour toutes les choses qu’ils peuvent faire, mais ils y restent pour tout ce qu’ils peuvent être ». C’est la question que tout le monde se pose, qui suis-je ? Et comme souvent dans le cinéma de Spielberg, la réponse se trouve dans l’autre. C’est à travers d’Art3mis, Halliday et ses amis du monde réel que Wade va se trouver. Cette question est au coeur du cinéma de Spielberg depuis toujours et il n’aura de cesse de l’explorer. 

« Ready Player One » est là pour nous démontrer, une nouvelle fois le talent de Steven Spielberg en tant que metteur en scène. Le réalisateur offre un film vertigineux, doté d’une maitrise de la réalisation et de la narration sans égale. Du haut de ses 77 ans (71 quand le film est sorti), il continue de nous émerveiller à travers des histoires et des images qui n’ont pas fini de marquer les générations. 

Notre note :

Note : 4 sur 5.

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