Critique « La planète des vampires »

4–5 minutes
photo tirée du film la planète des vampires

Article écrit par :

  • Durée : 1h26
  • Réalisateur : Mario BAVA
  • Acteurs : Barry Sullivan – Norma Bengell – Angel Aranda
  • Date de sortie : 1965 (copie restaurée en 2016)
  • Diffusion Plan Cultes : Mardi 16 avril 2024

Résumé : Dans un proche futur, les vaisseaux spatiaux Argos et Galliot sont envoyés en mission d’exploration sur la mystérieuse planète Aura. Premier arrivé, le Galliot ne donne plus signe de vie. À l’atterrissage, les membres de l’équipage de l’Argos deviennent fous et commencent à se massacrer entre eux… soit, comme ils l’apprennent rapidement, exactement ce qui est arrivé au Galliot. Les explorateurs se rendent bientôt compte que la planète est habitée par des extraterrestres dénués de corps qui sont prêts à tout pour s’échapper de leur planète à l’agonie.

L’avis du Poulpe : La planète des vampires fait partie de ces films de série Z fauchés, sortis dans une relative indifférence critique et publique à l’époque mais devenus cultes par la suite, notamment grâce à leur réhabilitation par des cinéastes reconnus.

Ici, on est dans le haut du panier, puisque ce n’est pas moins Martin Scorsese, Ridley Scott (qui a reconnu s’en être inspiré pour Alien), Tim Burton et Nicolas Wending-Refn (à l’origine de sa restauration) qui ont encensé le film.

Il faut dire que le réalisateur est loin d’être un inconnu puisqu’il s’agit de Mario Bava, maitre incontesté du cinéma gothique italien et du giallo des années 60 (et dont c’est la seule incursion dans le fantastique). Mais au-delà, ce sont bien les qualités propres du film qui en font tout son intérêt.

Alors, bien entendu, lorsque l’on écrit une critique sur une telle œuvre il y a un préalable, qui consiste à pointer ses défauts, inhérents à son budget ridicule (200 000 dollars à peine !). En voici la liste : interprétation approximative des acteurs (qui plus est engoncés dans des combinaisons de cuir qui accentuent la raideur de leur jeu), narration laborieuse par moment (quelques scènes bien trop longues et certains dialogues complètement abscons), « trous » dans le scénario et mauvaise gestion des péripéties, montage hasardeux (notamment des allers-retours incongrus entre gros plans et plans d’ensemble qui rendent incohérent le schéma narratif).

Oui, mais voilà, une fois posées ces réserves, force est de constater que le film est un petit bijou visuel et que la mise en scène est d’une précision impressionnante.

Dès la première scène, le ton est donné. Dans un plan séquence totalement maitrisé, Bava installe le décor futuriste du vaisseau, dont les lignes géométriques sont parfaitement dessinées, avec une large palette chromatique (le jaune des casques, le gris-bleu des murs, le vert et le rouge des boutons, le noir des uniformes). La composition des plans est d’une rare minutie, chaque personnage ou élément étant idéalement placé pour donner tout son sens à la scène. On comprend bien là d’où vient l’admiration de Wending-Refn, lui dont le cinéma est basé précisément sur l’utilisation des formes et la mise en scène géométrique des espaces.

Cette maitrise irriguera tout le film, avec une multitude de plans d’une beauté à couper le souffle. Comme celui de ces deux réacteurs verdâtres positionnés à chaque extrémité de l’écran, avec en fond les personnages qui approchent. Ou encore lorsque 2 protagonistes fuient à travers une succession de portes cylindriques, dans une ambiance rougeâtre.

Plus largement, il faut souligner comment Bava arrive à créer une atmosphère envoutante et hypnotique avec presque rien. Des nappes de fumigènes omniprésentes, des rochers teintés de rouges par la lave qui bouillonne en dessous, quelques objets biscornus, des plaques de fer d’un gris métallique en guise de tombes, Bava réussit à immerger le spectateur dans un monde fantasmagorique et inquiétant par la simple grâce de sa mise en scène.

C’est d’ailleurs de ce processus immersif que le film tire une certaine force narrative, au-delà des défauts pointés plus haut. L’unité de lieu et les déplacements resserrés des protagonistes – certes dictés par le manque de moyens – accentuent la paranoïa ambiante et le poids de cette menace qui vient à la fois de l’extérieur et de l’intérieur du vaisseau.

Contrairement à ce que le titre français laisse entendre, point de vampires ici mais des extraterrestres qui luttent pour leur survie et qui sont prêts à tout pour atteindre leur but. L’histoire assez confuse et le manque de caractérisation des personnages empêchent de bien comprendre tous les enjeux. Mais finalement peu importe, car la noirceur du propos est sans appel.

Car, en effet, l’absence totale d’éthique des habitants de cette planète, prêts à sacrifier toute autre forme d’existence pour assurer la leur, est une allégorie implacable sur l’espèce humaine (qui rappelle étrangement celle portée par The thing de John Carpenter) et la fin du film, à la fois ironique et pessimiste, est assez savoureuse.

Ainsi, grâce à ses qualités formelles, La Planète des vampires se place largement au-dessus du tout-venant des films de série B ou Z touchant à la science-fiction et ne saurait être réduit à la simple fonction de « nanar ».

Que regarder après :

  • Startreck
  • Suspiria
  • Alien
  • Host – Stephen Mayers
  • Freddy
  • Outer wild
  • Le corps et le fouet de Mario Bava
  • Encore – Mario Bava

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