MELODIE POUR UN TUEUR

3–4 minutes

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Un film de James Toback

Résumé

Jimmy Fingers vit entre deux mondes. Dans l’un, c’est un pianiste amateur aux grandes ambitions. Dans l’autre, c’est un brutal recouvreur de dettes qui officie pour le compte de son père, un redoutable mafieux. Jimmy est divisé et ses deux existences vont finir par s’entrechoquer…

Descente aux enfers d’un voyou mélomane

Depuis l’avènement du Nouvel Hollywood à la fin des années 60, les réalisateurs quittent les studios pour filmer la rue et saisir les pulsations des grandes villes américaines. C’est Martin Scorsese qui symbolise le mieux ce mouvement, avec des films comme Mean streets ou Taxi driver, où des personnages violents et compulsifs se débattent dans la jungle urbaine.

Mélodie pour un tueur, premier film de James Toback, réalisateur peu connu et à la maigre carrière, s’inscrit directement dans ce sillage. Tourné en décors naturels, le film décrit l’univers saturé du New-York des années 70, ville délabrée et peuplée d’une faune interlope. En son centre, Harvey Keitel crève l’écran comme à son habitude, avec ce mélange de fragilité et d’agressivité qui le caractérise et dont le sommet sera sa prestation dans Bad lieutenant.

Malheureusement, le film n’a pas la virtuosité et l’efficacité de ses modèles, et surtout s’avère assez nauséabond dans sa représentation des rapports sexuels. En 2005, Jacques Audiard en réalisera un remake, De battre mon cœur s’est arrêté, avec Romain Duris et Niels Arestrup.

Fiche technique

  • Titre original : Fingers
  • Durée : 1h31
  • Réalisateur : James Toback
  • Pays d’origine : USA
  • Distribution : Harvey Keitel – Tisa Farrow – Jim Brown – Michael V Gazzo
  • Date de sortie : 1978
  • Genre : drame

Plan culte

Séance : Mardi 21 janvier à 19h30 (Cinéma Artplexe)

Recommandations

  • De rouille et d’os (Jacques Audiard)
  • Cruising (William Friedkin)
  • Bad lieutenant (Barbet Schroeder)
  • Taxi driver (Martin Scorsese)
  • Les Soprano (série)

Critique du Poulpe (par Séraphin)

Husbands (1970) de John Cassavetes puis Mean Streets (1973) et Taxi Driver (1976) de Martin Scorsese forment le noyau dur du Nouvel Hollywood new-yorkais. Ce triptyque donne un point de départ riche pour un cinéma urbain, brutal et débridé. 

Dans l’ombre de Scorsese se cachent plusieurs cinéastes qui ont tenté de rentrer dans son wagon, pour développer une carrière avec des projets qui s’apparentent à des ersatz.

En 1978 James Toback écrit et réalise Mélodie pour un tueur dans un Manhattan étroit et peuplé de crapules. On y suit Jimmy, un jeune pianiste obsédé par son lecteur cassette et par les femmes, chez qui il cherche en permanence à se rassurer psychologiquement puisque papa/maman ne cessent de l’humilier. Le père est à la tête d’une organisation criminelle et met la pression à son fils pour aller tabasser les commerçants ou autres malfrats endettés. La mère est dans un centre médical, oblige son fils à l’embrasser sur la bouche et n’ose même pas le regarder quand il lui annonce son échec à une audition. 

On peut dire que Jimmy se retrouve héritier d’une névrose familiale qui le pousse à ne pas s’assumer et par des regards nous comprenons qu’il est un homosexuel refoulé (des regards d’hommes qui le rendent nerveux et/ou qui l’émoustillent). Soulignons qu’on retrouve le même échange de regards perturbateurs pour Jimmy avec une petite fille, ce qui nous laisse comprendre, de façon sous-jacente et glauque, qu’il n’a pas uniquement des envies homosexuelles. L’association homosexualité/pédophilie, idée reçue détestable, est encore une fois mise en avant, ce qui n’est pas à l’honneur du film. Cette nervosité que l’on retrouve épisodiquement, notamment dans la scène du toucher rectal chez l’urologue, une souffrance interne pour Jimmy qui n’accepte pas son rôle éphémère de passif.

Jimmy ne cesse de s’auto-persuader qu’il est un homme viril, fertile et dominant. Cela passe donc par son obsession des femmes qu’il va traquer, harceler et parfois violer dans des scènes toutes plus complaisantes les unes que les autres, qui ne laissent aucun doute sur le caractère libidineux et mal intentionné du réalisateur. A ce stade, il est utile de préciser que 40 ans plus tard, lors de la vague MeToo, il sera accusé de harcèlement sexuelle par 38 femmes, dont Julianne Moore. 

À l’opposé d’un Abel Ferrara, James Toback ne réussit pas à être subversif comme il le souhaite et seul le dernier quart d’heure (qui se concentre sur la vengeance) atteint le stade jouissif qui aurait dû être le ton du film entier. Toback fait fausse note.

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