LA LOI DU MILIEU

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Un film de Mike Hodges

Résumé

Gangster londonien, Jack Carter se rend à Newcastle pour assister aux funérailles de son frère. S’interrogeant sur les causes de cette mort subite, il conclut rapidement à la thèse de l’assassinat. Mais Carter se heurte a l’hostilité des chefs de la pègre locale.

Vengeance à l’anglaise

Passé quelque peu inaperçu à sa sortie en 1971, La Loi du milieu a été réhabilité dans les années 90 (notamment grâce à Guy Ritchie), à tel point qu’il fut même considéré par certains comme le « meilleur film britannique de tous les temps ». Une affirmation probablement exagérée, mais qui ne doit pas cacher les grandes qualités du film. Premier long métrage de fiction de Mike Hodges, réalisateur de documentaires pour la télévision, La loi du milieu est un polar rugueux et violent, à l’image de la ville de Newcastle et de l’Angleterre dans les années 70.

Toute la force du film vient de cette rencontre entre les codes du polar (mafia, prostitution, meurtres) et un portrait féroce de l’Angleterre industrielle de l’époque, en proie à la décomposition urbaine. A l’instar de Dirty Harry, sorti la même année outre atlantique et qui soldait les comptes du flower-power, La loi du milieu semble faire le deuil du Swinging-London et de son insouciance.

Pour ce faire, il suit le parcours de ce gangster violent et hermétique, bien décidé à venger la mort de son frère, qu’elles qu’en soient les conséquences. Un véritable ange exterminateur, méthodique et froid, qui élimine sans scrupules ses ennemi(e)s. Michel Caine, au sommet de son art, porte le costume 3 pièces comme personne et son élégance contraste avec la misère et la violence qui gangrène les quartiers de Newcastle.

La loi du milieu est un film brut et sans concession, parfois dérangeant, qui fera l’objet d’un remake en 2000 avec Sylvester Stallone.

Fiche technique

  • Titre original : Get carter
  • Durée : 1h42
  • Réalisateur : Mike Hodges
  • Pays d’origine : Angleterre
  • Distribution : Michael Caine – Britt Eckland – Ian Hendry – John Osborne
  • Date de sortie : 1971
  • Genre : polar

Plan culte

Séance : Mardi 4 février à 19h30 (Cinéma Artplexe)

Recommandations

  • James Bond (Période Sean Connery)
  • Romans de Robin Cook
  • Old boy (Park Chan Wook)
  • Lady vengeance (Park Chan Wook)
  • Scum (Alan Clarke)
  • Made in Britain (Alan Clarke)
  • Bird (Andrea Arnold)
  • Ne pas avaler (Gary Oldman)

Critique du Poulpe (par Séraphin)

Quand Newcastle passe un mauvais Carter

Mike Hodges innove lorsqu’il implante une vengeance à l’américaine dans un lieu comme Newcastle, où tout semble laid et miséreux. Jack débarque dans cette ville où les mœurs sont à revoir pour remettre de l’ordre comme bon lui semble, sans vergogne. Jack tue ses partenaires de sexe ainsi que ses confrères criminels et ses yeux bleus virent au noir. 

La loi du milieu est un film dans l’illusion. On comprend bien que cette histoire vengeresse tente de nous dépeindre une société rongée par la violence et la déchéance, mais Hodges ne nous montre jamais ce qui en résulte et encore moins ce qui la structure. Jack parcours la ville dans tous les sens, à la rencontre de sournoiserie et de cupidité venant autant d’une élite décadente que du monde ouvrier. Et lui, où se place-t-il ? S’il a trop de valeurs pour être corrompu, cela ne l’empêche pas d’être un manipulateur odieux, prêt à tout pour assouvir sa vengeance. Jack est une figure prophétique qui applique la loi du talion comme bon lui semble. Il décide de lui même quelle femme doit vivre (sa nièce alpaguée dans un film porno contre sa volonté) et laquelle doit mourir (les filles de petites vertus).

Cette déchéance morale n’aboutit nulle part, aucune réalité sociale ne transparait malgré le naturalisme de Hodges, qui plaque sur pellicule l’ambiance du Nord de l’Angleterre. Le cinéaste, en bon anglais qu’il est, pioche dans le Free Cinema des années 1950 et 1960 jusqu’à faire jouer John Osborne (scénariste de Tony Richardson sur Tom Jones en 1963). 

Carter est un homme en colère, perverti par le monde criminel et qui pense se rebeller contre le statuquo. Mais, malgré le charisme du personnage (porté par la prestation magistrale de Michaël Caine), il ne fait que reproduire les mêmes abominations. Le physique imposant de l’acteur, sanglé dans son trench bleu et buvant son verre de whisky comme un dandy, empêche le spectateur de considérer Jack comme une figure politique conservatrice nauséabonde. Et pourtant, on frôle la vision de Margaret Thatcher lorsqu’il s’agit de dépeindre le monde ouvrier, voué aux pires pratiques morales. Heureusement qu’un citadin venant de la capitale est là pour remettre de l’ordre chez ces petites gens dénué de tout sens moral. Non merci, la proposition de Lindsay Anderson avec If… semble plus intéressante.

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