300

5–8 minutes

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Un film de Zack Snyder

Résumé

Récit épique de la Bataille des Thermopyles, qui opposa en l’an 480 le roi Léonidas et 300 soldats spartiates à Xerxès et l’immense armée perse. Face à un invincible ennemi, les 300 déployèrent jusqu’à leur dernier souffle un courage surhumain. Leur vaillance et leur héroïque sacrifice inspirèrent toute la Grèce à se dresser contre la Perse, posant ainsi les premières pierres de la démocratie.

Heroïc péplum

Adapté du roman graphique de Frank Miller (auteur de Sin city), 300 est le deuxième film de Zack Snyder, après L’armée des morts, un excellent remake du Zombie de Romero. Sorti en 2006, 300 est une œuvre inclassable et protéiforme, qui mélange plusieurs genres (Péplum, heroïc fantasy, film historique) tout en s’affranchissant des codes du cinéma classique par une artificialité totalement assumée dans la mise en scène.

Tourné entièrement sur fonds bleus et verts (hormis la scène d’ouverture réalisée en extérieur), le film a nécessité plus de 1000 effets visuels, quasiment un par plan. Il en résulte une esthétique surréaliste assez bluffante visuellement, faisant la part belle aux cieux sombres et orageux ainsi qu’aux décors lugubres et torturés. Quant aux guerriers, dont les visages et les yeux ont été retravaillés, ils affichent des torses musclés et imberbe d’où jaillissent des flots de sang à chaque percée de lance.

Ultra violent et accumulant les cadavres, le film a suscité des réactions critiques très contrastées, certains louant son caractère baroque et flamboyant, tandis que d’autres pointaient du doigt un scénario indigent et des dialogues pompeux. Plus largement, 300 a soulevé de nombreuses polémiques, en lien avec un discours de propagande guerrière ambigu et surtout une représentation des Perses plutôt caricaturale (allant jusqu’à déclencher une réaction du gouvernement Iranien).

Malgré (ou grâce) à cela, le film fut un succès dans le monde entier et irrigua tout un pan de la culture populaire et du cinéma. En 2014 sorti sur les écrans 300 : La naissance d’un Empire, à la fois suite et prequel du premier opus.

Fiche technique

  • Titre original : 300
  • Durée : 1h55
  • Réalisateur : Zack Snyder
  • Pays d’origine : USA
  • Distribution : Gérard Butler – Rodrigo Santoro – Lena Headey – Dominic West – David Wenham
  • Date de sortie : 2006
  • Genre : Péplum – Film d’action

Plan culte

Séance : Mardi 18 février à 19h30 (Cinéma Artplexe)

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  • EPIC (Musique Jorge Rivera Herrans)

Critique du Poulpe (par Séraphin)

300 – Ressenti 1000 heures

Énorme succès à sa sortie en France (1,5 million d’entrées), 300 est resté un film culte dans le paysage de la culture populaire. Plaisir coupable ou plaisir assumé, le film est plus qu’une démonstration d’hommes en slip bodybuildés qui affrontent des Perses ridiculisés et massacrés dans des bains de sang. En 2025, au visionnage du film, on retrouve l’imaginaire réactionnaire et fascisant où des hommes blancs hétéros (c’est à prouver) se sentent persécutés par un monde trop féminin et/ou trop arabe.


Les films comme 300, reprenant des épisodes mythiques de l’Histoire, ont souvent une configuration manichéenne : l’ombre contre la lumière, la modernité contre le primitif, les gentils contre les méchants. 300 utilise la division raciale et sexuelle. Les ennemis de la bande à Léonidas sont plus que sanguinaires, comme dans la plupart des fictions de ce genre. Ils ont un rapport étroit avec les stéréotypes réactionnaires vis-à-vis des orientaux. Ils sont montrés comme des êtres exotiques, mystiques et repoussants à la fois. C’est ce qu’Edward Saïd appela « l’orientalisme » : l’Occident, qui, de façon régulière a construit des mythes autour des peuples d’Asie et du Moyen-Orient, basés sur des clichés (le désert, les harems, les bandits) pour les déshumaniser et justifier la colonisation.


Le dessinateur du comics original, Frank Miller, est un héritier de cette pensée orientaliste quand il présente les arabes comme des stéréotypes sur pattes alors que l’empire Perse de l’époque est à des années lumières du monde arabe. C’est normal venant d’un artiste qui a pris position sur l’invasion de l’Irak par les Américains en 2003 avec ces mots : « Personne ne parle de ceux que nous combattons et de cette barbarie du VIe siècle qu’ils représentent en réalité. Ces gens-là décapitent. Ils soumettent leurs femmes à l’esclavage et infligent des mutilations sexuelles à leurs filles. Leur comportement n’obéit à aucune norme culturelle compréhensible. » D’accord Franck.


En plus d’être des sauvages arriérés, les Orientaux sont efféminés et homosexuels et Léonidas n’aime pas ça les homosexuels. Il dit des Athéniens qu’ils sont le summum de la lâcheté parce que leurs philosophes sont de grands amateurs de garçons. Léonidas oublie que les Athéniens sont les premiers à avoir repoussé une invasion perse, en infériorité numérique, à la bataille de Marathon.


Xerxès, roi des Perses, représente ce qu’un homophobe imagine d’un homosexuel c’est-à-dire quelqu’un qui se dandine à moitié nu avec du maquillage et beaucoup de bijoux. Pourquoi s’acharner autant sur un antagoniste alors que Snyder aurait pu en rester au tyran sanguinaire basique, pourquoi a-t-il préféré faire de Xerxès l’angoisse morale des homophobes? L’excès de féminisation des Perses dans 300 est une façon de neutraliser le trouble que l’oriental crée chez le réactionnaire : historiquement perçu comme ambiguë sexuellement, séducteur et dangereux il mérite alors qu’on le castre symboliquement. C’est ce qu’ont fait Snyder et Miller.


Qu’en est-il de nos spartiates ? Quelle est leur vie à eux ? L’idéal d’un homme dans 300 n’est pas de rester avec sa femme et ses enfants dans la cité mais plutôt d’aller gravir des montagnes entre « couilles » pour aller tuer un tas d’orientaux déviants. Très virils, éduqués à la dure, au ton mesuré et profond, voilà ce qui caractérise les hommes de Sparte dans 300. Ils sont un mélange bien dosé de civilisation et de brutalité. Les Orientaux ne sont jamais montrés en train de communiquer entre eux, seul Xerxès parle, seul. Les spartiates, eux, se battent pour des valeurs comme la liberté (la liberté de qui et de quoi?), le devoir (le devoir envers quoi?) et l’honneur (l’honneur des spartiates d’accord mais c’est quoi?).  Des valeurs plus qu’abstraites. Ils sont la masculinité rêvée d’une époque plus dure. Notons que le groupuscule Génération Identitaire a repris le symbole de Sparte sur leur drapeau.


Au-delà du fantasme viriliste, Snyder et Miller ajoutent une bonne dose de fantasme sexuel. Les soldats de 300 sont constamment en slip, même pendant les orages de Zeus. Le roi Léonidas apparaît nu, de dos, les fesses à l’air et parfaitement éclairé par la Lune (la vraie). Cette nudité serait celle de l’art antique. Nudité attirante puisque les héros sont particulièrement musclés. Pas musclés comme un forgeron ou un soldat, ici on a des muscles fins et dessinés par un abonnement premium à Basic Fit. Le corps masculin de l’imaginaire réactionnaire n’est donc pas un corps musclé pour des raisons utilitaires mais pour des motifs purement esthétiques. Il y a les Arcadiens qui sont des soldats « monsieur tout le monde » que Léonidas prend plaisir à mépriser car ils ont des métiers en dehors de l’armée. Snyder montre les Arcadiens comme des petits êtres peureux qui n’ont pas le sens du combat. Pour Snyder ce n’est donc pas au peuple de prendre les armes, ils ne sont pas préparés, c’est à une force militaire formée d’aller défendre sa terre. On expliquera à Zack que des poètes, des menuisiers et des paysans sont allés sur le front en 39-45 pour combattre l’ennemi. Léonidas décide d’aller en guerre et il en ressent un sentiment de jubilation mais restons pragmatiques, un vrai décisionnaire évite la guerre pour son peuple.

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