REQUIEM FOR A DREAM

4–7 minutes

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Un film de Darren Aronofsky

Résumé

Sara Goldfarb vit seule à Coney Island. Mère juive veuve et fantasque, elle vit dans l’espoir obsessionnel d’être un jour invité sur le plateau de son émission de télévision préférée. C’est dans cette perspective qu’elle suit un régime draconien, afin d’entrer dans la robe qu’elle portera, lorsque le grand soir sera venu. Son fils Harry est dépendant à la drogue. Avec sa petite amie Marion et son copain Tyrone, ils noient leur quotidien dans d’infantiles visions du paradis terrestre. En quête d’une vie meilleure, le quatuor est entraîné dans une spirale infernale qui les enfonce, toujours un peu plus, dans l’angoisse et l’autodestruction…

American death trip

Admiré par de nombreux spectateurs pour son inventivité formelle, rejeté par quelques autres pour son clinquant tape à l’œil , Requiem for a dream est une œuvre choc, qui ne laisse pas indifférent et qui a marqué son époque. Réalisé par un jeune metteur en scène de 31 ans, embarquant avec lui une actrice confirmée (Ellen Burstyn) et des jeunes comédiens en plein essor (Jared Leto, Jennifer Connely), le film se veut une peinture sans concession de l’addiction (aux drogues mais pas seulement) et de la déchéance.

Assumant pleinement l’esthétique et les codes du vidéoclip, Requiem for a dream utilise, jusqu’à l’overdose, tous les gimmicks de la mise en scène « moderne » (caméra portée, zooms, jump-cut, split-screen, …) pour nous conter cette histoire chorale de quatre losers s’enfonçant peu à peu dans une spirale sans fin. Il donne ainsi corps à l’univers déjanté d’Hubert Selby Jr, en adaptant à la lettre son roman éponyme paru en 1978 et en coécrivant le scénario avec lui.

Toute l’ambition du film est là, dans cette volonté de faire coïncider le fond (la misère sociale, les troubles psychologiques, la dépendance) et la forme (l’outrance visuelle et sonore, le montage frénétique, l’accélération du rythme) pour aboutir à un portrait sans concession de ces personnages pathétiques et de leur descente aux enfers.

Le résultat est forcément excessif et on pourra regretter par moments qu’Arronofsky pousse trop loin les curseurs, donnant à son film un aspect quelque peu assommant. Mais si l’on accepte ce parti-pris et qu’on se laisse emporter par le flot de la mise en scène (jusqu’à la séquence finale devenue mythique), force est de constater que l’expression « film coup de poing » prend ici tout son sens.

Et puis par moments, le réalisateur pose sa caméra et alterne ces effets visuels tapageurs avec des scènes plus calmes, dans lesquelles les acteurs donnent toute la mesure de leur talent. Des pauses bienvenues dans le tumulte, qui permettent à Arronofsky de donner de l’épaisseur à son cinéma et qui annoncent son film le plus abouti, The Wrestler.

Fiche technique

  • Titre original : Requiem for a dream
  • Durée : 1h42
  • Réalisateur : Darren Arronofsky
  • Pays d’origine : Etats-Unis
  • Distribution : Jarde Leto – Jennifer Connely – Ellen Burstyn – Marlon Wayans
  • Date de sortie : 2000
  • Genre : Drame

Plan culte

Séance : Mardi 15 avril à 19h30 (Cinéma Artplexe)

Recommandations

  • Joker (Todd Phillips)
  • The substance (Coralie Farget)
  • La peau sur les os (Tom Holland)
  • Black Swan (Darren Arronofsky)
  • Mother (Darren Arronofsky)
  • Panique à Needle park (Jerry Schatzberg)
  • La valse des pantins (Martin Scorsese)
  • Perfect blue (Kathryn Bigelow)
  • Henry, portrait d’un serial killer (John Mac Naughton)
  • Vortex (Gaspard Noé)
  • Trainspotting (Danny Boyle)
  • Mr nobody (Jaco Van Doermel)
  • Matrix (Wachowsky)
  • L’effet papillon (Eric Bress/J Mackye Gruber)
  • Candy (Neil Armfield)
  • Drugstore cowboy (Gus Van Sant)
  • Kids (Larry Clark)
  • The corner (série)
  • Breaking Bad (série)
  • Skins (série)

Critique du Poulpe (par Séraphin)

À la vie, à la drogue


Adapté de Last exit to Brooklyn, Requiem for a dream s’ouvre à Coney Island avec Sarah Goldfarb qui se sent seule et regarde un jeu télévisé. Son fils Harry et son ami Tyler lui volent sa télévision pour la mettre en gage afin de pouvoir s’acheter de la drogue. Sarah récupère sa télé. Soudain elle reçoit un appel qui l’informe qu’elle a été sélectionnée pour participer à un jeu télévisé. Sa vie bascule. Elle part chercher sa robe rouge préférée et découvre qu’elle ne rentre pas bien dedans. Elle consulte un médecin, qui lui prescrit des opiacés et autres substances amincissantes. Sous l’effet des pilules, Sarah sombre dans la folie ; Harry finit en prison avec un bras gangrené ; sa petite amie Marianne tombe dans la folie et la drogue finit par détruire tout le monde.


Requiem for a dream est un film cru. La substance ne leur paraît pas nuisible, tout juste les laisse-t-elle un brin brumeux après l’amour, flottant dans un entre-deux où l’on croit avoir saisi le sens de la vie. Le corps souffre et il demande son poison. « Les sanglots longs des violons de la drogue blessent mon corps d’une douleur monotone » d’après Verlaine.


Aronofsky donne une symphonie infernale par la partition de Clint Mansell et du Kronos Quartet. Référence cynique à Mozart, Lux aeterna apporte une poésie morbide à l’atmosphère du récit. L’addiction est filmée minutieusement, de l’ingestion à l’injection jusqu’à la diffusion, dans une temporalité accélérée qui appui la (auto)destruction sur les corps. Au-delà d’être mise en scène, l’addiction devient un personnage principal de l’histoire. La drogue apporte le chaos dans l’environnement des personnages et effrite les rapports amoureux et sentimentaux.


Requiem for a dream peut être qualifiée d’œuvre qui s’engouffre dans des clichés lugubres, qui poursuivent la toxicomanie. Certes elle flatte l’imaginaire populaire collectif mais l’histoire convoque aussi nos angoisses les plus profondes. Le junky est une figure hautement méprisée et repoussée par la société. Aliéné par son addiction, l’individu addict va à l’encontre de l’idéologie néolibérale. Il n’est pas un consommateur lambda ni un travailleur manipulable. Aronofsky place la société américaine face à ses névroses avec Harry, Marianne, Sara et Tyrone qui sont les totems des millions d’américains. Ils sont abandonnés par les institutions publiques, manipulés par les institutions privées, jusqu’au point d’être dépossédés de leurs libertés fondamentales. Ils ne sont pas perçus comme des humains malades dignes d’être soignés, mais comme des individus qui sèment le désordre. Même lorsqu’ils sont pris en charge pour des soins, la brutalité revient en force (Sara sera internée et subira les pires actes de torture « pour son bien »).


Ainsi, au-delà de son aspect « choc », Requiem for a dream décris des problématiques de santé mentale et d’addiction qui semblent faire un cycle au sein du débat populaire et des nombreuses crises nationales.

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