Un film de Georges Lucas
Résumé
Les vacances se terminent. Curt, Steve, John, Laurie, Terry et tous les autres s’apprêtent à quitter la petite ville californienne de leur jeunesse pour suivre leurs études à l’université. Avec leurs belles voitures américaines, ils passent une dernière nuit sur les routes et les drive-in.
Nostalgie américaine
« La guerre des étoiles marque la fin de l’intérêt des jeunes pour la contre culture et le début de leur passion pour la technologie ». Cette affirmation d’un critique américain en 1977 est assez juste et reflète bien la situation du cinéma outre atlantique à l’époque, entre fin du Nouvel Hollywood et avènement des blockbusters. Mais dès 1973, soit 4 ans avant, Georges Lucas avait déjà fait le deuil d’une certaine rébellion contre le système hollywoodien, en réalisant American graffiti, un teen-movie nonchalant et emprunt de nostalgie.
Après l’échec de son premier film THX 1138, sombre dystopie avant-gardiste, Lucas navigue à vue et hésite entre divers projets. Mis au défi par son ami Coppola de réaliser un film plus accessible, il s’appuie sur un programme de productions indépendantes à petit budget proposé par Universal pour se lancer dans American graffiti. Il en profite pour évoquer ses passions, la voiture et le rock’n’roll, dans une Amérique sans doute un peu fantasmée, celle d’avant le Vietnam et la mort de Kennedy.
Porté par une génération montante d’acteurs (dont Harrison Ford), le film se nourrit des propres souvenirs de Lucas, lui même adepte dans sa jeunesse du cruising, un rituel par lequel les jeunes draguent au volant de grosses cylindrées. Une pratique devenue totalement désuète à la fin des années 60, lorsque la jeunesse s’intéressera davantage à la drogue et au sexe.
Construit de façon originale, avec un récit sur une seule nuit, lors de laquelle on suit (en musique) les déambulations motorisés de ses héros, American graffiti jouit aujourd’hui d’une image un peu ringarde, totalement écrasé par la notoriété de la saga Star wars. Mais à l’époque de sa sortie, le film a cartonné au box-office, rapportant 115 millions de dollars (pour un budget de 770 000 $) et devenant le film le plus rentable de son époque.
Fiche technique

- Titre original : American graffiti
- Durée : 1h42
- Réalisateur : Georges Lucas
- Pays d’origine : Etats-Unis
- Distribution : Richard Dreyfus – Ron Howard – Paul le Mat – Harrison Ford
- Date de sortie : 1974
- Genre : Comédie dramatique
Plan culte
Séance: Mardi 10 juin à 19h30 (Cinéma Artplexe)


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La critique du Poulpe (par Séraphin)
Georges regarde dans le rétro
George Lucas, bien avant d’être auréolé du prestige intergalactique de Star Wars, livrait en 1973 avec American Graffiti une œuvre fondatrice, à la fois célébrée pour sa vivacité nostalgique et critiquée, à juste titre, pour ses facilités narratives et son approche parfois puérile de l’adolescence. Film-souvenir, film-répertoire, American Graffiti se veut une chronique douce-amère des derniers instants d’insouciance avant le saut dans l’âge adulte. Toutefois, sous ses airs de fresque générationnelle, il se heurte à des limites formelles et thématiques qui amoindrissent considérablement sa portée.
La voiture n’est pas seulement un objet fétiche dans American Graffiti, elle est le vecteur principal de la narration, le prolongement de la psyché adolescente. À travers le ballet ininterrompu de ces bolides glissant dans la moiteur nocturne californienne, Lucas inscrit sa mise en scène dans un espace volontairement fermé, répétitif, claustrophobe, voire obsessionnel. Ce quadrillage urbain, parcouru sans cesse, agit comme une boucle mentale dans laquelle les personnages sont prisonniers de leurs hésitations existentielles. La caméra, souvent flottante ou en contre-plongée, épouse le rythme paresseux de cette errance motorisée, transformant la ville en une sorte de labyrinthe lumineux, d’autant plus hypnotique que la bande-son, saturée de tubes rock’n’roll, agit comme une ritournelle.

Pourtant, cette gestion de l’espace motorisé, aussi bien pensée soit-elle sur le plan esthétique, finit par tourner à vide. La répétition des trajets et l’uniformité du décor urbain confèrent au film une monotonie narrative qui, loin d’illustrer la vacuité adolescente, la reproduit sans la questionner. Ce fétichisme de la voiture — emblème par excellence d’une masculinité conquérante et d’une liberté illusoire — n’est jamais mis à distance. L’image de la route comme horizon de tous les possibles se dilue ici dans une stagnation que la mise en scène échoue à transcender.
Là où American Graffiti prétend livrer une réflexion douce-amère sur la fin d’une époque — celle de l’innocence, de l’Amérique pré-Vietnam, des jukebox et des drive-in —, il ne fait trop souvent que recycler des archétypes sans les subvertir. Le nerd en quête d’identité, le frimeur sentimental, la jolie fille inaccessible : tout y est, comme dans un musée de clichés savamment entretenus mais jamais remis en cause. Le manque d’originalité scénaristique confine alors au pastiche involontaire, tant les personnages semblent figés dans une posture de pure évocation, vidée de toute véritable tension dramatique.

Le film, en effet, peine à dépasser une imagerie de carte postale, préférant l’accumulation de saynètes au détriment d’une construction narrative articulée. À force de refuser le conflit, American Graffiti glisse insidieusement dans un ton enfantin, où les enjeux sont constamment édulcorés. Le récit, suspendu dans une sorte de temps mort estival, refuse de prendre le risque de la maturité : aucun personnage n’évolue réellement, et même les moments censément graves — la perspective du départ à l’université, la confrontation à la mort ou à la solitude — sont traités avec une légèreté déstabilisante.

Ce refus de l’épaisseur dramatique traduit une nostalgie sans mémoire, un regard tourné vers le passé mais incapable de le questionner. Là où Lucas aurait pu livrer un portrait critique de la jeunesse blanche américaine du début des années 60, il se contente de l’idéaliser mollement, comme s’il redoutait de rompre le charme de ce vernis rétro
American Graffiti est un film fascinant par ce qu’il révèle de son époque autant que par ce qu’il refuse de montrer. Sa mise en scène centrée sur la voiture comme microcosme adolescent, bien que formellement cohérente, ne parvient pas à masquer l’indigence d’un scénario trop gentillet, lesté par une nostalgie convenue et une absence regrettable de profondeur. Célébré comme un jalon du « New Hollywood », le film de George Lucas apparaît, rétrospectivement, comme une œuvre mineure au vernis brillant, mais creuse, et dont la superficialité thématique révèle moins la complexité de l’adolescence que l’incapacité du cinéaste à la sonder autrement qu’à travers un prisme enfantin et désengagé.





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