COUP DE COEUR

4–6 minutes

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Un film de Francis Ford COPPOLA

  • Durée : 1h47
  • Pays d’origine : Etats-Unis
  • Date de sortie : 1982
  • Genre : drame – musical -romance

Œuvre charnière dans la carrière de Coppola, Coup de cœur est un film déroutant et imparfait. Vestige du Nouvel Hollywood, il restera, au même titre que La porte du paradis de Michael Cimino, un témoignage poignant de l’histoire du cinéma.

A la fin des années 70, Francis-Ford Coppola est dans une situation particulière. Eprouvé par les péripéties rocambolesques du tournage d’Apocalypse now, il souhaite se recentrer sur des films plus intimistes, tout en reprenant le contrôle de son cinéma. Parallèlement, renfloué par les recettes du film (Palme d’or du festival de Cannes et énorme succès mondial), il fait l’acquisition d’un immense studio à l’abandon à Los Angeles, pour y installer le siège de sa société de production American Zoetrope. L’objectif est d’y produire Coup de cœur mais également tous ses futurs films et bâtir ainsi une alternative crédible à la puissance des Majors Hollywoodiennes. Las, les choses ne se passeront pas comme prévu.

L’effervescence autour du projet va nourrir la folie des grandeurs de Coppola et Coup de cœur prendra des proportions monumentales alors que son sujet s’y prête peu. Le tournage, entièrement en studio et utilisant les techniques numériques dont c’est le balbutiement, s’embarque dans tous les excès, notamment la reconstitution entière d’une rue de Las-Vegas, remplie de néons et d’éclairages tapageurs. Un faste cinématographique au service d’une histoire d’amour classique, qui se retrouve étouffée dans un foisonnement visuel relevant aussi bien de la comédie musicale que du mélodrame. Porté par des mouvements de caméra complexes et noyé d’images flashy, Coup de cœur semble s’être perdu dans une impressionnante machinerie que Coppola ne maitrise plus.

A sa sortie, le film est perçu comme le geste d’esbrouffe d’un cinéaste arrogant et mégalomane. Précédé d’une campagne de presse désastreuse, il sera un échec retentissant et entrainera la faillite des studios Zoetrope, que Coppola mettra des années à rembourser. Pour autant, plus de 40 après et malgré ses défauts, il faut voir (ou revoir) Coup de cœur, en ce qu’il témoigne de la carrière d’un des plus grands réalisateurs américains ainsi que des soubresauts du cinéma hollywoodien.

La critique du Poulpe (par Séraphin)

Avec Coup de cœur, Francis Ford Coppola semble vouloir transformer le cinéma en laboratoire personnel, un terrain d’expérience où la forme dicte brutalement sa loi au détriment de tout élan narratif. Le film, pourtant conçu comme une déclaration d’amour à l’artifice hollywoodien, finit par ressembler à une vitrine boursouflée, dont l’éclat factice peine à masquer l’absence de souffle dramatique.

Au début des années 1980, Coppola sort d’une série de projets gigantesques — Apocalypse Now surtout — et nourrit l’ambition de révolutionner la production audiovisuelle. Coup de cœur est censé inaugurer cette ère nouvelle : tournage intégral en studio, contrôle absolu de l’éclairage, du chromatisme, de la scénographie, de chaque mouvement de caméra. Le réalisateur veut abolir le réel pour le remplacer par un monde entièrement façonné par la main de l’artiste. Mais cet idéal de maîtrise totale glisse rapidement vers une rigidité étouffante. Les décors artificiels, au lieu de constituer un univers poétique, enferment le récit dans une esthétique de carte postale, surchargée mais creuse, où chaque élément semble exposé pour être admiré plutôt que pour servir une dramaturgie.

La volonté de Coppola de privilégier la forme finit par dépouiller l’histoire d’une énergie pourtant indispensable. Le couple central, censé explorer les fissures d’un amour à bout de souffle, se retrouve relégué à l’arrière-plan d’une débauche de lumières fluorescentes et de compositions sucrées. Les protagonistes se débattent dans un univers dont la rigidité visuelle déteint sur leur psychologie : aucune nuance, peu de zones d’ombre, aucun véritable conflit.

L’émotion, constamment sollicitée par un dispositif sonore envahissant — notamment la musique, utilisée comme béquille plutôt que comme moteur — se dissipe aussitôt, tant le film ne laisse jamais respirer ses personnages. Coppola semble fasciné par son propre jouet technique, oubliant qu’une romance, même stylisée, a besoin de chair, d’accidents, d’imprévu.

Le projet repose sur l’idée de transformer chaque plan en tableau vivant, mais cette démarche, répétée ad nauseam, anesthésie rapidement le spectateur. L’expérimentation numérique naissante, les systèmes de prévisualisation vidéo ou les méthodes de montage en direct, pourtant audacieux pour l’époque, finissent par apparaître comme des effets de manche.

Le film semble vouloir prouver que le cinéma peut devenir un pur objet de design. Mais cette obsession formaliste produit le résultat inverse : un spectacle où rien ne semble vraiment vivant. Même la dimension musicale, censée insuffler du rythme et de la sensualité, s’éparpille dans une succession de morceaux illustratifs, sans véritable cohérence émotionnelle.

L’ego artistique de Coppola domine chaque minute. Coup de cœur n’embrasse pas son spectateur ; il n’y a qu’une démonstration, presque une dissertation visuelle. Le réalisateur, persuadé d’explorer un langage cinématographique neuf, accouche d’un objet qui isole plutôt qu’il ne charme. L’exubérance chromatique, les décors fabriqués comme des vitrines de théâtre, la théâtralité des mouvements de caméra : tout cela finit par provoquer une fatigue visuelle, un léger agacement même. Le film s’enlise dans son concept, oubliant de nous raconter autre chose qu’un acte de foi dans le pouvoir de son créateur.

Coup de cœur est un film dont la prétention esthétique étouffe toute sincérité. Coppola, dans sa quête de refonder la grammaire du cinéma, produit un objet froid, auto admiratif, presque désincarné. L’ambition technique y supplante tellement le romanesque que l’on ressort avec l’impression d’avoir assisté non pas à une démonstration fastueuse d’un système de production. Un geste audacieux, certes, mais profondément malhabile — un rêve de cinéma transformé en un mirage clinquant.

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