CINEMA PARADISO

3–5 minutes

Article écrit par :

Un film de Giuseppe TORNATORE

  • Durée : 1h58
  • Pays d’origine : Italie
  • Date de sortie : 1988
  • Genre : drame

L’amour, l’amitié et la nostalgie sont au cœur de Cinema paradiso, dans un hommage à la magie du 7ème Art

Bardé de récompenses (Golden Globe du Meilleur Film Étranger, prix Spécial du Jury et prix de la musique à Cannes) Cinema paradiso fait office d’œuvre culte pour beaucoup, tant parmi les passionnés de cinéma que chez les simples amateurs. Il faut dire que le film, célébrant l’engouement pour le grand écran dans l’Italie rurale du milieu du XXe siècle, n’hésite pas à employer tous les moyens pour parvenir à ses fins.

En choisissant de raconter, sur plusieurs décennies, la rencontre entre un vieux projectionniste et un jeune garçon (inspiré de sa propre histoire), Tornatore joue à fond la carte de l’émotion, tout en affichant son amour du cinéma.

Porté par une magnifique bande originale signée Ennio Morricone et émaillé d’extraits de grands classiques, Cinema paradiso s’affiche ouvertement sentimental, avec une redoutable efficacité.

La critique du Poulpe (par Séraphin)

Le cinéma qui se regarde s’aimer

Présenté comme un hommage universel au cinéma, Cinema Paradiso de Giuseppe Tornatore repose sur une idée simple et séduisante : le cinéma aurait été, pour un enfant de village, une révélation fondatrice, une échappée hors du réel, une promesse de vie meilleure. Derrière cette évidence affective, le film déploie une vision du cinéma à la fois confortable, nostalgique et profondément peu interrogée.

Cinema Paradiso propose un récit de vocation sans véritable conflictualité. Le jeune Totò est immédiatement aimanté par l’image projetée, comme si le cinéma était une évidence naturelle, un appel presque mystique. Cette fascination ne rencontre jamais de résistance réelle : ni sociale, ni politique, ni matérielle. Le cinéma est là, magique, salvateur, et l’enfant n’a qu’à s’y abandonner. Or, cette absence d’obstacles transforme la découverte du cinéma en mythe lisse, où l’amour de l’image ne se construit pas mais s’impose comme une grâce.

Le film s’inscrit ainsi dans un stéréotype tenace : celui de l’enfance pure découvrant le cinéma comme une religion laïque. La salle obscure devient un sanctuaire, le projectionniste un guide spirituel, les films des révélations. Mais cette vision, loin d’interroger ce que fait réellement le cinéma aux corps, aux imaginaires ou aux rapports sociaux, se contente d’en célébrer les effets supposément universels. Le cinéma n’est jamais un outil ambigu, jamais un lieu de domination symbolique ou de fabrication des désirs : il est toujours bon, toujours juste, toujours émancipateur.

C’est précisément là que l’« hommage au cinéma » montre ses limites. Cinema Paradiso ne pense pas le cinéma : il le vénère. Il ne met jamais en danger l’image, ne questionne ni ce qu’elle montre ni ce qu’elle cache. Le célèbre montage final des baisers censurés, souvent lu comme un sommet d’émotion, illustre cette logique : le cinéma y est réduit à un pur réservoir de nostalgie et de plaisir, dépolitisé, désincarné, hors du monde réel qui l’a pourtant produit.

Par ailleurs, la mise en scène elle-même épouse cette vision confortable. Tornatore privilégie une narration fluide, sentimentale, saturée de musique, qui guide constamment l’émotion du spectateur. Tout est fait pour empêcher la distance critique. Le film ne laisse aucun espace au doute, à l’ironie ou au malaise. Il veut faire pleurer, et il y parvient, mais au prix d’une simplification extrême de ce qu’est le cinéma et de ce qu’il fait à ceux qui le regardent.

En racontant le cinéma comme un refuge face à la dureté du monde, Cinema Paradiso évite soigneusement toute interrogation sur ce monde lui-même. Le village, la pauvreté, les rapports de classe ou de pouvoir restent des décors vaguement pittoresques. Le cinéma n’y est jamais pris dans un contexte historique ou social précis, il flotte au-dessus du réel, comme une promesse abstraite de beauté et de consolation.

En définitive, Cinema Paradiso apparaît moins comme un film sur le cinéma que comme un film sur le désir que le cinéma soit innocent. Sous couvert d’hommage, il reconduit une mythologie rassurante, celle d’un art naturellement bon, découvert dans l’enfance, et capable à lui seul de donner sens à une vie. Un cinéma qui se célèbre lui-même, mais qui, à force de s’aimer, renonce à se penser.

Plan culte – Les recommandations du public

  • Il était une fois en Amérique (Sergio Leone)
  • Empire of light (Sam Mendes)
  • Babylone (Damien Chazelle)
  • The Fabelmans (Steven Spielberg)
  • L’été de Kikujiro (Takeshi Kitano)
  • La vie est belle (Roberto Benigni)
  • La la land (Damien Chazelle)
  • Why don’t you play in hell (Sion Sono)
  • Heureux comme Lazzaro (Alice Rohrwacher)
  • Les 400 coups (François Truffaut)
  • Le voleur de byciclette (Ettore Scola)
  • Les choristes (Christian Barratier)
  • Faubourg 36 (Christian Barratier)
  • The starmaker (Giuseppe Tornatore)
  • Mullholland drive (David Lynch)

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